C'est avec une immense tristesse que je me suis rendue à l'enterrement de Stéphanie cette semaine.
Quand j'ai créé mon blog Forza Lupa et mon Instagram, je voulais proposer une vision positive de mon parcours, mes journées et toutes les bonnes initiatives…pendant le protocole de soins lourds de lutte contre le cancer du sein. Je me suis attachée à rester dans une tonalité joyeuse et enthousiaste, optimiste ( ce qui n est pas ma qualité première : je déteste les mauvaises surprises: autant s'y préparer).
Un jour de mars 2021, je vois une nouvelle abonnée sur Instagram… Stéphanie, La Rochelle, Franche-Comté. Alors… euh oui il y a un La Rochelle en Franche-Comté : c'est un minuscule village , ravissant, d'une quarantaine d'habitants où nous avons notre maison de campagne et de famille… le village étant le village des grands-parents maternels de mon mari. Autant dire que l'on connaît tout le monde: de nom, de vue, de toit… J'ai contacté Stéphanie : « tu habites La Rochelle 70120? ». Le pouvoir des algorithmes… ( mon compte a dû remonter sur son fil grâce à des posts sur @forzalupa.forzalupe ou sur mon autre compte @paulineborghese… )
Rendez-vous est pris pour un thé fin mars chez elle.
Atteinte d'un cancer du sein triple négatif depuis l'été 2020 , elle venait de finir ses chimios. Comme moi. Le mardi suivant Pâques était le début des rayons pour elle, comme pour moi.
Si j'ai bien commencé le mardi 6 avril la radiothérapie, Stéphanie a fait plusieurs crises d'épilepsie le week-end de Pâques la conduisant aux urgences de l'hôpital de Vesoul. Des tumeurs cérébrales sont identifiées. Changement de parcours. Changement de perspectives.
Je suis donc passée la voir dès que l'occasion se présentait. Des petites visites, pour ne pas la fatiguer. Elle avait l'habitude de dire qu'elle ne faisait rien comme les autres. Je n'ai d'ailleurs pas compris comment elle avait pu avoir des métastases sans ganglion atteint …
Ce fameux week-end de Pâques, après que nos chemins se croisent, nos vies ont basculées. Nous étions toutes les 2 sur un muret. Stéphanie est tombée du mauvais côté tandis que je poursuis la marche, avec un muret de plus en plus épais et rassurant.
Ce double parcours me rappelle le film avec Gwyneth Paltrow Pile et Face (Sliding door).
Sur un quai de métro, Helen va manquer la rame et rentrer chez elle en retard. Dans un espace temps symétrique , Helen prend le métro et découvre son mari qui la trompe.
La vie d'Helen se poursuit donc selon ces 2 scenarii. Je dois spoiler une des fins: dans l'un des parcours de vie de l'héroïne , elle meurt. Stéphanie est donc cette Helen là ? Tandis que je serais l'autre?
Sommes-nous 2 faces d'une même médaille? Pile et face?
La vie serait donc un jeu de hasard. Nous nous sommes en effet tous demandé: "et si j'avais pris telle décision au lieu de telle autre?"
Jusqu’à présent, les véritables changements de ma vie d'adultes étaient des décisions à prendre.
Le cancer du sein a été un imprévu.
Dans nos vies où l'on contrôle tout, l'imprévu n'a plus sa place.
Je me souviens d'un voyage en Suisse (quand j'étais adolescente) avec maman, ma tante Sophie, mon cousin Romain… et une panne de voiture un samedi fin d'après-midi dans un petit village. Alors que j'angoissais de savoir comment on allait repartir, Sophie était enthousiaste face à cet imprévu : cette micro aventure!
J'ai donc essayé d'appliquer ce positivisme à ce qui m'arrivait : infusions, soins péri-médicaux , régime en sucre réduit , couture, sport, un-jour-un-foulard…
Positivisme que j'ai pu conserver parce que mes traitements fonctionnaient. L'aurais-je gardé dans le cas de Stéphanie ? J'en doute.
La mort, comme les imprévus ne fait plus partie de nos vies contemporaines. J'essaie de me dire que l'on peut quand même avoir une vie riche avec une vie plus courte: je pense à ces personnages historiques fascinants: Lucrezia Borgia est décédée à 39 ans, Mata-Hari 41 ans, Pauline Bonaparte 45 ans, Lady Di 36 ans!
© Princess Diana Archive / Intermittent
Depuis décembre, je ne suis pas retournée à La Rochelle… et je n'ai plus pris de nouvelles. Tout ce que je voulais éviter: retrouver ma vie d'avant ! Et elle est revenue semble-t-il ! Le boulot m'accapare. J'ai repris à plein temps en janvier. Certes, je tente de garder du temps pour moi. Quelques séances de sport avec Cami sport , à la piscine Molitor grâce à l'Institut Gustave Roussy. De la couture le mercredi après-midi… mais ensuite, je dois rattraper le temps de travail, je m'épuise et je ne peux pas enchaîner travail, vie sociale et culturelle comme avant. La fatigue. L'envie de juste m'occuper de moi. De mon foyer. D'être un peu égoïste. De me préserver. Physiquement et moralement…
Janvier a été assez intense: opération de reconstruction, soins infirmiers, slalom entre les covidés, boulot, déplacements en province, enterrement du papa de ma belle sœur, boulot, encore…
Je n'ai pas pris le temps de prendre des news. Ni de Stéphanie, ni Ildiko, ni Karine, ni Aline, ni Micheline.. A l'occasion d'un dîner chez des amis, j'ai pu échanger sur nos expériences de parcours de soins avec Caroline, une copine architecte passée par la case cancer du sein en 2020. Je m'aperçois à cette occasion que nous avons a peu près toutes les mêmes histoires et parcours.
Et Stéphanie avait décidément raison: elle ne fait rien comme les autres!
RIP* Stéphanie!
* RIP: Rest In Peace (Repose en paix)
Je partage ta tristesse. Chaque parcours est unique et il faut l'inventer. J'espère que Stéphanie a pou un peu (si peu) inventer le sien quand même.
Ton post est à la fois glaçant et emouvant. Rip Stephanie, prends bien soin de toi pauline.